04/11/2025
Phénomène des cours privés : ces enseignants qui brisent des rêves au Mali
Arrivé au Lycée public de Kita (actuel Simbo Keïta) en 2012-2013, je tenais à faire les sciences exactes. Mais au fil du temps, j'ai compris que les enfants issus des milieux défavorisés n'y avaient pas leur place.
Le hic était que quand tu ne suivais pas les cours privés de nombreux enseignants dont les coûts étaient exorbitants, tu n'avais jamais la moyenne. Alors qu'à l'époque, on quittait le village main vide, même pas avec 100 FCFA. Les parents ne nous donnaient que les frais de transport. Pas plus !
Un jour, j'ai su cette triste réalité à travers un professeur dont je vais taire le nom et la discipline. Ce jour-là, à la descente un vendredi, il nous a dit de venir au lendemain samedi pour ceux qui suivent ''les cours''. Et moi, magnat d'apprendre, je suis venu le lendemain avant tout le monde. A la pause, un camarade me demande : « Qui paiera tes frais de cours privés ? » Et moi, étonné, je réponds : ''Je ne savais pas que c'était payant, je suis venu par respect pour le professeur car il nous a demandé de venir''. Une autre camarade du nom de Kali Hawa Keïta clôt le débat en disant : "Laisse-le suivre avec nous, certainement il n'a pas les moyens de payer les cours privés. Que personne ne dise rien au professeur''.
L'exercice qu'on a eu à traiter ce jour-là était le même exercice que le professeur nous a donné au trimestre. Cette expérience m'a beaucoup marqué et m'a fait réfléchir sur l'avenir des milliers d'enfants comme moi issus des milieux défavorisés. Dès lors, j'ai renoncé aux sciences exactes, car c'était pareil aussi avec les matières scientifiques.
Arrivé au Lycée Monseigneur-de-Didier-Montclos (LMMS) de Sikasso, j'ai été surpris de ne pas voir ces mauvaises pratiques. Ce qui me fait toujours croire que ce lycée fait partie des quelques meilleurs lycées du Mali.
Beaucoup de jeunes ont été exclus au lycée, pas par incompétence, mais à cause de la cupidité de certains enseignants qui ne pensent qu'au génie insatiable et implacable.
Ce message est pour les enseignants qui continuent avec ces pratiques peu orthodoxes qui continuent à détruire des vies et des rêves. Qu'ils sachent qu'ils sont payés par l'État pour enseigner de façon honnête et digne, non pas pour marchander leurs connaissances à des enfants qu'ils sont censés enseigner. Et même s'il le faut, qu'ils soient honnêtes en toutes circonstances. Puisqu'on ne peut et ne doit pas être juge et partie à la fois.
Image d'illustration : LMMS Sikasso en 2015
Kémoko Diabaté, l'enfant de Kita !