11/07/2025
Edito (Sedley Assonne)
Nos limites.
La famille Narod vit dans l’inquiétude depuis quatre jours, suite à la disparition en mer de Tareq. »On est dans l’attente, ça devient dur. », nous dit Rachael, sa mère.
Même si la maman nous dit que « nous avons bénéficié de toute l’assistance voulue » de la part des gardes-côtes, il n’en reste pas moins que notre île, étant connue comme une destination touristique, et aussi entourée d’un territoire marin, il importe de se pencher sur les défaillances qui surviennent dans des cas de ce genre.
Car, si on remonte aux années 70/80, quand le baron Arnaud de Rosnay, lui aussi un passionné, voire un pionnier, du kitesurf (ce mot n’existait pas encore à l’époque), disparut au large de son île natale, quelles sont les dispositions qui ont été prises pour que de tels accidents ne surviennent plus ? Cette interrogation ne constitue, en aucun cas, un blâme pour l’Etat, puisque les kitersurfeurs savent, comme les pilotes d’avion, de bolides de Formule 1 et autres métiers, savent qu’ils prennent des risques quand ils prennent la mer.
Tareq connaissait justement ce « spot » du Morne, connu des kitesurfeurs du monde entier. C’est dire qu’il allait en terrain connu, et que la question de risques ne se posait pas. Mais comme il y a toujours des impondérables, surtout que le temps fait sa capricieuse ces temps-ci, il est possible qu’une vague ait été de trop. Mais, sans pointer du doigt qui que ce soit, situons quand même les responsabilités.
Comme souligné pour le baron de Rosnay, ce n’est pas la première fois qu’un accident de ce genre se produit. Justement, après la disparition d’un pêcheur, nous avions parlé de la Commission de l’Océan Indien. Et suggéré que cette instance, qui regroupe les Etats de la région, faut-il encore le rappeler, se dote d’un navire qui puisse intervenir immédiatement pour sauver des vies humaines. On peut nous dire que la COI n'a jamais eu le budget requis pour se pourvoir d’un tel vaisseau.
Mais la France étant la principale bailleuse de fonds de la COI, ceux qui ont présidé aux destinées de cette instance depuis sa création, auraient très bien parler de ce projet aux Français. D’autant plus que l’océan indien a aussi ses migrants, qui partent des Comores pour rallier Mayotte, ou de l’Afrique pour chercher asile dans ce département. On a aussi eu des Srilankais qui ont atterri à la Réunion. Sans oublier des Mauriciens qui se retrouvent souvent en difficulté, soit après trafic de drogue, ou parties de pêche.
Souvent, la marine française, ou les autres bateaux étrangers naviguant dans les eaux india-océaniques, portent secours à ces naufragés. Mais tout cela se fait sans que la COI ne se sente concernée, et ce n’est pas normal. Cette instance aurait dû être le principal outil de surveillance, marine et terrestre, dans la région. Et comme dans le cas de Tareq, la COI aurait dû être aux premières loges pour coordonner les opérations de secours. Cela ne se fait pas, parce que la COI a ses raisons d’exister que la raison ne connaît pas. Et c’est fort dommage. Car, nombre de vies humaines auraient pu être sauvées depuis la création de cet organisme. Il n’est d’ailleurs pas trop t**d pour qu’un ressaisissement se fasse du côté de son quartier-général !
Cela dit, il y a les Etats : L’île Maurice, Madagascar, la Réunion (territoire français), Madagascar, les Comores, les Seychelles et Mayotte. Au-delà des questions de souveraineté, les responsables de ces Etats auraient dû s’entendre pour que, dans le cas qui nous concerne, chaque Etat déclenche un service de secours. C’aurait dû être une priorité, puisque cet océan qui nous sépare devient souvent tombeau pour beaucoup de nos ressortissants. Et cela remonte même jusqu’aux pires moments de l’esclavage et de l’engagisme. Quand les « civilisés » préféraient jeter ces « sauvages » à la mer. Pour ne pas embarrasser leur cargaison.
Nous sommes aujourd’hui des civilisations, avec nos propres histoires. Mais aussi une histoire commune. Car, esclaves et engagés ont atterri dans les îles de la région. Et une des priorités des Etats aurait été de dire « plus jamais ça » ! Afin que plus personne ne devienne victime de la mer. Mais ce qui est arrivé à Tareq montre encore une fois nos limites. Et si on a déjà évoqué les manquements de notre garde-côte nationale, nous ne sommes pas certains que ce département soit pourvu des équipements dernier cri pour porter assistance à une personne, dont on n’a plus de nouvelles depuis quatre jours !
Nous ne blâmons pas ces fonctionnaires de la mer. Mais, nous plaidons pour que de tels cas ne surviennent plus. Même s’il y a des risques pour tout un chacun. D’ailleurs, si j’étais responsable de ce département, j’aurais profité du cas Tareq pour demander publiquement au gouvernement de donner encore plus de moyens à la National Coast Guard. Pour qu’elle puisse intervenir plus promptement, même en pleine nuit.
On sait aussi que la police dispose d’un hélicoptère, mais quid d’un appareil qui puisse voler de nuit, et détecter trace de vie humaine à l’aide de l’infrarouge ? Disposons-nous d’un tel équipement ? Si non, n’est-il pas temps de le commander ? En fait, il faut agir et réagir, et très vite, dès qu’il y a détresse humaine en mer. Car, Tareq aurait pu être notre proche. Nous invitons donc qui de droit à mettre en place un protocole de sauvetage, impliquant la COI, les responsables de gouvernement, les pêcheurs, et autres pratiquant des métiers et plaisirs de la mer, et que ce protocole inclut un plan de prévention.
Comme le baron Arnaud de Rosnay, comme ces pêcheurs, Tareq a pris la mer. Mais personne ne peut se targuer d’avoir pu apprivoiser ce mastondonte liquide. ».C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme », chantait Renaud Séchan. Depuis des siècles, la mer indienne revendique sa part de vies humaines. Mais ce n’est jamais une raison de rester les bras croisés. Tant que nous pouvons en sauver, faisons-le. En mémoire du mémorable, aurait dit Edouard Maunick. Surtout en mémoire de tous ceux qui ont laissé leurs traces au plus profond de l’océan.
Nous sommes de tout cœur avec la famille de Tareq. Et nous prions ceux concernés de comprendre que nos mots n’ont pour seul but que d’éviter que la mer nous vole nous proches. Donnons-nous donc les moyens d’éviter de tels drames !