12/07/2025
Niger 🇳🇪, Sport
Et si le pays se dotait enfin d’une véritable politique de développement du sport ?
Dans notre pays, le sport évolue aux marges des priorités nationales, coincé entre symbolisme institutionnel et latence structurelle. Malgré l'engouement populaire pour certaines disciplines comme la lutte traditionnelle ou le football, le domaine reste orphelin d'une politique claire, d’une vision stratégique et d’un cadre d’investissement cohérent. Et si, enfin, notre pays prenait le sport au sérieux ?
Un paysage sportif éclaté, sans boussole
Notre pays compte à peine 28 à 30 fédérations sportives, un chiffre faible comparé aux pays voisins qui en totalisent souvent entre 50 et 60, et très en dessous des standards internationaux (jusqu’à 130 ou plus dans les pays les plus structurés). Mais au-delà du nombre, c’est la qualité de fonctionnement de ces fédérations qui interroge.
Combien tiennent régulièrement leurs instances statutaires ? Combien organisent des compétitions par catégorie d’âge et de genre ? Combien élaborent un plan annuel de travail ou un plan stratégique à moyen terme ? Trop peu. Le résultat est un paysage sportif désorganisé, marqué par l’irrégularité, l’absence de planification, et un déficit chronique de gouvernance.
Le sport, victime d’un ministère à géométrie variable
Institutionnellement, le sport est souvent logé dans des ministères instables — parfois fusionné à la jeunesse ou à la culture — et rarement porté par une ambition politique claire. À chaque remaniement, il change de tutelle ou de leadership, parfois confié à des profils peu préparés à relever les défis du secteur. Ce flou récurrent empêche toute continuité stratégique.
Pire, à ce jour, aucune Politique Nationale de Développement du Sport n’existe formellement chez nous. Aucun document de référence ne lie le sport à d'autres secteurs tels que l’éducation, la santé, le tourisme, le commerce ou la cohésion sociale. L’État se contente d’un accompagnement ponctuel, souvent réduit à des subventions minimales ou à la facilitation de participations à quelques événements, sans stratégie d’investissement durable.
Des infrastructures insuffisantes, vetustes et mal réparties
L’un des obstacles majeurs réside dans le manque criant d’infrastructures sportives. En dehors de Niamey, peu de villes disposent d’équipements dignes de ce nom : stades homologués, piscines aux normes, terrains polyvalents ou gymnases couverts. Et dire que même Niamey, au moment où nous ecrivons ces lignes, ne dispose pas d'un stade homologué par la FIFA.
Les rares installations existantes dans le pays souffrent d’un entretien précaire, d’une absence de modernisation, voire d’un abandon.
Les arènes de lutte traditionnelle, souvent emblématiques, sont elles-mêmes laissées à leur sort entre 2 championnats nationaux. En milieu rural, le sport se pratique dans l’informel, sans encadrement, ni matériel, ni structures, étouffant ainsi dans l’œuf de nombreux talents.
Une perception sociale qui freine la vocation sportive
Dans notre société, le sport reste culturellement perçu comme une distraction, un luxe, voire une perte de temps. Dans le système éducatif, l’éducation physique est marginalisée : insuffisance d’enseignants qualifiés, manque d’équipements, inadéquation des créneaux horaires.
Dans les familles, peu de parents encouragent leurs enfants à envisager une carrière sportive. Le vieux refrain « le sport ne nourrit pas son homme » continue de dissuader toute ambition (c'est du "aykin banza", "chagalin ban nane"). Les rares modèles de réussite ne sont ni valorisés ni suffisamment médiatisés, ce qui limite leur capacité à inspirer.
Le sport, un levier oublié du développement national
Ce désintérêt généralisé traduit une profonde méconnaissance du rôle transformateur du sport dans une société. Pourtant, le sport est un puissant levier multidimensionnel :
1️⃣ Cohésion sociale et inclusion : Avec une population majoritairement jeune, le sport peut canaliser les énergies, prévenir la délinquance, favoriser l’intégration et renforcer le vivre-ensemble.
2️⃣ Santé publique : La pratique régulière d’activités physiques est un rempart contre les maladies non transmissibles et un allié dans la promotion du bien-être.
3️⃣ Rayonnement international : Le sport est aujourd’hui un vecteur majeur de soft power. Le Maroc, le Sénégal ou le Nigeria l’ont compris, en l’utilisant comme outil de diplomatie et d’image.
4️⃣ Économie locale et entrepreneuriat : Le sport peut générer des filières économiques dynamiques (équipements, formation, organisation d’événements, tourisme sportif) et créer des emplois.
Changer de logique : du symbole à la stratégie
Notre pays doit sortir d’une logique d’événementiel pour bâtir un véritable écosystème sportif structuré, équitable, inclusif et performant. Cela nécessite une rupture franche avec l’approche actuelle, et l’adoption de mesures fortes conduisant à l'élaboration d'une Politique Nationale de Développement du Sport, avec une vision multisectorielle, des objectifs chiffrés et des indicateurs de suivi dont les principaux axes peuvent être entre autres :
✅ le Renforcement de la gouvernance des fédérations sportives (statuts, audits, formation, financement, redevabilité) ;
✅ la mobilisation de ressources exceptionnelles pour investir massivement dans les infrastructures sportives modernes et accessibles sur l’ensemble du territoire ;
✅ la révision de nos programmes de formation à tous les niveaux du système éducatif pour réintégrer le sport dans le système éducatif, en formant des enseignants d’éducation physique et en dotant les établissements de matériels adaptés ;
✅ l'intégration du sport dans les stratégies diplomatiques et de positionnement international du Niger.
Faire du sport un pilier du développement
Notre pays a tout à gagner à investir dans le sport : une jeunesse plus dynamique et encadrée, une société plus soudée, une économie diversifiée, et une meilleure image à l’international. Mais cela nécessite une volonté politique affirmée, un changement culturel profond, et une structuration professionnelle du secteur.
Le sport ne doit plus être une variable d’ajustement, mais un pilier du développement national.
Kafiniger ✍️