15/07/2025
Clarification érudite sur les Appellations "Touareg" et "Bella" : Vers une Compréhension Nuancée des Identités Sahéliennes.
Il est important d'apporter une précision rigoureuse à ces termes, afin de nous prémunir contre les généralisations hâtives et les stéréotypes réducteurs qui ne font qu'engendrer des querelles vaines et infondées. L'histoire des peuples, particulièrement dans les vastes étendues sahariennes et sahéliennes, requiert une lecture attentive et une restitution fidèle des réalités socioculturelles.
Concernant le vocable "Touareg" ou “Targui ” au singulier, il convient de rappeler son étymologie : issu de la langue arabe, il désigne le nomade, celui dont l'existence est intrinsèquement liée au déplacement, à la transhumance, et qui incarne l'esprit de liberté propre à l'homme du désert. Cette définition, bien que courante, ne doit pas occulter la complexité des identités qui se déploient sous cette appellation.
Quant au terme "Bella", son attribution indiscriminée à l'ensemble des Touaregs constitue une simplification abusive, une distorsion sémantique qu'il est impératif de rectifier. L'usage, parfois erroné, de "Bella bi" pour désigner les individus à la peau foncée (noire), et "Bella dara" pour ceux à la peau claire ou rouge, témoigne d'une confusion regrettable quant à la véritable origine et signification de ce mot.
Il est crucial de souligner que le terme "Bella" ne possède pas d'équivalent ou de signification intrinsèque dans les langues sahéliennes ou sahariennes en dehors de son contexte d'origine spécifique.
Son ancrage profond se trouve dans la langue tamacheq, où il désigne une grande et noble lignée tribale : les "Kal Bella".
L'histoire de cette tribu, jalousement conservée par la mémoire collective des "Amenokal" (chefs) qui l'ont gouvernée, est particulièrement remarquable parmi les centaines de tribus qui composent le vaste ensemble touareg. Cette renommée découle, en partie, de leur résistance, lutte et d’autres faits qu’ils auraient mené avec d’autres peuples, selon Jean Rouch. Les "Kal Bella" furent parmi les premiers à tisser des liens de coexistence, depuis des temps immémoriaux, avec les ethnies sœurs du Sahel, telles que les Songhay, les Zarma-Songhay, les Haoussa, les Mossi et les Peuls, avec lesquels ils partagent le territoire.
C'est ainsi que ces populations ont entendu le nom d'une langue et d'une tribu spécifique, "Kal Bella". Par un glissement sémantique, ce nom est devenu générique, s'appliquant de manière erronée à tous ceux qui parlent tamacheq.
Il n’est pas exclu de parler d’un autre détail d’une autre dimension toute pertinente.
Certains habitants ou certaines tribus sont généralement appelés par le nom de leur localité d’origine. , c’est pourquoi il n’est pas rare d’entendre parler des villes et des ressortissants : Tin mysas, tim Bouctou, tin bella, tin Jawague, tin zawaten…
Ils deviennent ainsi : Kal mysas, Kal timbouctou, Kal bella ou kal tin Bella, Kal injawague, Kal tin zawaten…
Telles sont les origines véritables de ces appellations n. Toute autre interprétation relève de la conjecture et manque de fondement probatoire irréfutable.
Il est essentiel de comprendre que les Touaregs, indépendamment de leur pigmentation, ne sont pas monolithiques ; ils ne sont pas tous issus de la même tribu, et donc pas tous des "Kal Bella". Leur diversité tribale est une richesse, mais tous convergent sous la grande civilisation et la famille des "Keltamacheq".
Ainsi, le terme "Bella" a persisté, tandis que "Kal Bella", qui désigne une tribu précise, a été abusivement généralisé pour englober l'ensemble des Touaregs, sans discernement aucun. C'est là une erreur d'appréciation persistante qui continue de fausser la compréhension de ces identités.
L'éminent ethnologue français Jean Rouch, dans son ouvrage consacré aux Songhay, qualifiait les "Kal Bella" ou "Bella" de "vindicatifs… mais fidèles". Pour parler de leur capacité et efficacité de lutte , de résistance et de conquêtes (…)
Cette appréciation, bien que subjective, souligne la complexité et la profondeur des caractères de cette lignée.
Aujourd'hui encore, la tribu "Kal Bella" est dépositaire d'une histoire riche et complexe. Il est donc anachronique et inexact de considérer "Bella" comme une ethnie, car il s'agit d'une appellation tribale spécifique au sein de la grande communauté "Keltamacheq".
À titre d'illustration, lors d'un entretien accordé à la chaîne de télévision Africable, l'ancien Premier ministre malien Choguel K. Maïga a affirmé que les populations originelles du nord du Mali étaient les Bella et les Songhay. Cette affirmation, bien que révélatrice des liens historiques, semble omettre que les "Kal Bella" constituent une tribu spécifique et non une ethnie. L'ethnie, dans ce contexte, est bien celle des "Keltamacheq". En outre, ces précisions, émanant d'une haute personnalité politique, sont édifiantes quant à la nature des relations historiques, culturelles, amicales et de bon voisinage qui ont toujours lié les Songhay aux "Keltamacheq".
Auteur : memoire d’un continent, dédiée à la recherche et à l’histoire des keltamasheq.