03/09/2024
LETTRE OUVERTE À AMADOU BA, ANCIEN PREMIER MINISTRE, CANDIDAT DE L’ALLIANCE
POUR LA REPUBLIQUE (APR) ET DE LA COALITION “BENNO BOKK YAAKAAR”
“La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à
un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n’est aux faits eux-
mêmes, parce que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser d’être”. Henri Poincaré.
C’est dans cet esprit que je donne mon opinion en tant que citoyen libre sur les “injustices”
subies par l’ancien Premier ministre, Amadou Ba, candidat de l’Alliance pour la République
(APR) et de la coalition “Benno Bokk Yaakaar” (mouvance présidentielle).
Monsieur Amadou BA : “Gacce Ngalaama”
En tant que candidat désigné de l’Alliance pour la République (APR) et de la coalition “Benno
Bokk Yaakaar” (mouvance présidentielle), vous aviez fait face à plusieurs défis internes au sein
de votre propre camp politique.
En effet, les hésitations et les re**rds qui ont entouré votre désignation en tant que candidat
de la coalition ont laissé des traces. Il en est de même de la décision du président SALL de
reporter les élections, du re**rd dans la mise en place de votre logistique de campagne, de
l’interruption de votre tournée en pleine campagne entre autres. Ces moments d’incertitude
ont suscité des interrogations légitimes. Ces éléments, pris ensemble, ont contribué à
alimenter les doutes sur la loyauté et le soutien véritable de votre mentor politique.
Entre autres paramètres, les sept (7) éléments factuels suivants, ont contribué, à mon sens, à
la « défaite » de la coalition que vous dirigiez aux dernières élections présidentielles :
1. Hésitations dans votre désignation comme candidat de la coalition “Benno Bokk
Yaakaar” et re**rds dans le lancement de votre campagne :
Votre désignation comme candidat de la coalition au pouvoir a été marquée par des
hésitations prolongées et a tardé à intervenir. Mais avant même ce choix fatidique, votre ligne
de démarcation était déjà claire, car on se souvient tous de cette magnifique formule qui vous
caractérise : « Sa kilifa da nga kay bayé sa bop té bayé ko ak bopam », que vous teniez de
Serigne Mountakha MBACKÉ, un guide éclairé et totalement désintéressé. Cela résume
parfaitement votre démarche et votre loyauté vis-à-vis de votre mentor politique, Macky SALL
en l’occurrence. Sur ce point concernant votre désignation au détriment de vos concurrents,
on pourrait peut-être accorder le bénéfice du doute au président SALL, car l’avenir lui a donné
raison quand on voit toutes les tensions qui ont suivi en interne, le quiproquo sans précèdent
et la division dont votre coalition a fait l’objet à la suite de l’annonce du choix porté sur votre
personne, par la commission dirigée par Moustapha NIASSE.
Il a par la suite pu être constaté un re**rd significatif dans le lancement officiel de votre
campagne, re**rd en revanche que rien ne justifie vraisemblablement. Cette décision tardive
a pu être perçue comme un manque de soutien clair et effectif de ce même mentor politique,
et a affaibli votre position dès le départ.
2. La décision du président SALL de reporter les élections, après une décision
unanimement saluée de ne pas briguer un 3ème mandat a fait de vous une victime par
ricochet :
Lorsque le président Macky Sall avait renoncé à briguer un troisième mandat, lors de son
discours à la nation du 03/07/2023, il avait effectivement gagné un important capital
sympathie, tant sur la scène nationale qu'internationale. Cette décision avait été perçue
comme un exemple de leadership responsable en Afrique, où les tentatives de modification
des constitutions pour rester au pouvoir sont souvent critiquées. Cependant, en décidant par
la suite, par décret, de reporter l'élection présidentielle du 25 février 2024 (décret 2024-106
du 3 février 2024, abrogeant le décret 2023-2283 du 29 novembre 2023, portant convocation
du corps électoral), le président Macky Sall avait perdu une partie de ce capital sympathie.
Cette volonté affichée de reporter les élections, sans indication de date précise par ailleurs et
avec des arguments de report peu convainquants (la date avait été fixée par la suite à l’issue
du dialogue national, puis rejetée par le conseil constitutionnel qui lui avait imposé le respect
du calendrier républicain fixé au 24/03/2024, pour une passation de pouvoirs au 02/04/2024),
avait non seulement terni l'image de Macky Sall, mais aussi affaibli, par ricochet, votre
légitimité et nui à votre crédibilité auprès de l'électorat. Ce report avait été interprété par
certains comme une manœuvre politique dont vous seriez, en tant que candidat de la
mouvance présidentielle, le principal bénéficiaire. Du coup, vous êtes devenu, malgré vous, la
cible principale des critiques associées au report. Certains électeurs y voyaient déjà un signe
d'incertitude ou de faiblesse.
Ce report s’il avait été entériné par le Conseil constitutionnel, aurait pu avoir d’autres
répercussions sur votre candidature : nécessité de prolonger l'effort de campagne et de
maintenir l'élan de campagne sur une période plus longue et plus coûteuse, donc plus difficile
à gérer.
Malgré cela, vous avez choisi le chemin de la loyauté, même lorsque les circonstances auraient
pu vous pousser à prendre une direction autre, car rappelons-le, en ce moment précis de la
décision du président SALL de reporter les élections, certains préconisaient de manifester
votre désaccord auprès du président quant au non-respect du calendrier républicain, de
claquer la porte et de « faire cavalier seul». Effectivement, vous auriez pu « faire cavalier seul»
en ce moment décisif et laisser la coalition dans le désarroi, avec une contrainte majeure de
devoir se réorganiser et designer un nouveau candidat en un temps record, avec toutes les
incertitudes inhérentes à une telle aventure. Mais ce choix de rester, bien qu'il ait pu être perçu
comme risqué par certains, montre une véritable force de caractère et une profonde intégrité.
D’ailleurs, cette loyauté se trouve parfaitement corroborée par l’une de vos formules, devenue
célèbre : « Je ne connais pas de loyauté de circonstances ou à géométrie variable ».
3. Un soutien certes existant, mais ambiguë de votre mentor :
Votre mentor, qui aurait dû être votre principal soutien, n’est jamais descendu sur le terrain. Il
a été accusé de faire preuve d’ambiguïté et de calculs politiques jusqu’à la dernière minute. Ce
soutien timide a semé des doutes sur la loyauté de certains de vos alliés et n’a pas rendu facile
votre campagne.
Dans un contexte où les calculs politiques ont laissé planer des doutes sur le soutien effectif et
total de votre mentor, vous avez décidé de rester fidèle à vos engagements et à vos principes.
4. Interruption de la tournée de campagne (l’étape de Tivaouane) :
En pleine campagne, vous aviez dû interrompre votre tournée sans explication publique claire,
ce qui a suscité des spéculations sur des pressions internes ou des manœuvres visant à affaiblir
votre dynamique. Vous avez maintenu le cap malgré les incertitudes et les critiques.
5. Défaillances dans la mise a disposition de votre logistique de campagne :
Le re**rd dans la mise en place de la logistique de votre campagne a été un autre coup dur,
limitant votre efficacité sur le terrain et votre impact auprès des électeurs, ce qui a pu être
interprété comme un sabotage de vos efforts. Personnellement, je connais beaucoup de
responsables politiques de votre coalition qui se plaignaient d’une mise à disposition tardive
du matériel de campagne et qui, jusqu’à la dernière minute, n’avaient pas la certitude de s’il
fallait battre campagne ou pas.
6. Galvanisation de l’électorat adverse par la libération des figures de l’opposition et
impact sur votre candidature :
La libération de figures de l'opposition comme Bassirou Diomaye FAYE et Ousmane SONKO,
n°1 et n°2 de la coalition adverse, à 10 jours des élections, a eu un impact retentissant sur
votre candidature et a incontestablement influencé la dynamique électorale. Il aura donc fallu
réorienter votre stratégie de campagne pour répondre à cette nouvelle dynamique.
La libération de beaucoup de détenus qualifiés de détenus politiques, dont tout portait à croire
qu’ils allaient, pour l’essentiel, voter pour le candidat de la coalition adverse, et celle de ses
leaders, perçues comme un compromis, a eu pour effet de revitaliser l'électorat du camp
adverse, entraînant ainsi une mobilisation accrue des partisans de SONKO et Diomaye et
rendant la compétition électorale encore plus serrée et réduisant considérablement vos
chances de susciter l’adhésion des électeurs indécis.
Dans l’hypothèse où le fameux “Protocole de Cap-Manuel” existe, l’avenir nous édifiera, nous
sénégalais, sur ses tenants et ses aboutissements.
7. Trahisons au sein de votre propre coalition :
Des membres influents de votre coalition auraient manqué à leur devoir de soutien, soit en ne
s’impliquant pas activement dans votre campagne, soit en s’alignant discrètement avec
d'autres membres du camp adverse, réduisant ainsi la cohésion et la force de votre équipe.
Ces événements ont non seulement compliqué votre campagne mais ont également révélé les
fractures internes au sein de votre grande coalition, mettant en lumière les défis que peut
rencontrer un leader même expérimenté et respecté comme vous, lorsqu'il s'agit de maintenir
l'unité dans un contexte politique complexe.
C’est fort de tout cela que je tenais à vous féliciter chaleureusement pour votre remarquable
performance lors de ces dernières élections présidentielles. Obtenir 35,79 % des voix dans un
contexte aussi difficile, marqué par des trahisons au sein de votre propre camp, est un véritable
exploit, un accomplissement remarquable, un score honorable. Cela démontre non seulement
votre détermination et votre résilience, mais aussi la confiance que de nombreux citoyens
plaçaient en vous et en vos idées. Vous avez su faire face à l'adversité avec courage et dignité,
et cela n'est pas passé inaperçu.
Ce résultat est une preuve éclatante de votre leadership et de
la force de votre vision pour l'avenir.
Mais au-delà de ce résultat impressionnant, c'est votre posture d'homme d'État qui force le
respect et l’admiration. Certains diront que vous aviez manqué de courage politique. Mais vous
avez choisi de rester fidèle et loyal, refusant de dénoncer publiquement le manque d’élégance
de certains de vos camarades de parti, les manœuvres et les calculs politiques qui ont perduré
jusqu’à la dernière minute, en maintenant votre engagement envers votre camp et votre
mentor tout au long de cette épreuve. Ce choix démontre une force intérieure et une
détermination que peu de personnes auraient pu montrer dans des circonstances aussi
complexes.
Cette attitude démontre une grande maturité politique et un sens profond des
responsabilités. Votre capacité à rester digne et concentré sur l'essentiel, même dans les
moments les plus difficiles, est une véritable source d'inspiration. Vous avez su placer l'intérêt
supérieur de votre coalition au-dessus de votre intérêt personnel. Cette hauteur de vue vous
honore.
La force d'un leader réside aussi dans sa capacité à rassembler et à fédérer.
Votre préparation d'aujourd'hui sera la clé de votre succès de demain :
Pour qui connait votre parcours, il est objectivement celui d’un homme qui connaît intimement
le fonctionnement de l’administration et qui maîtrise parfaitement les rouages de l’État. Vous
avez su gravir les échelons avec brio, démontrant à chaque étape de votre riche et brillante
carrière, une compétence et une rigueur exemplaires.
Nul besoin de lister ici les postes que
vous avez occupés jusqu’ici, mais votre trajectoire inspire respect et admiration, tant au sein
de l'appareil d'État qu'auprès de vos concitoyens. Vous avez donc en main les atouts
nécessaires pour aller de l’avant et pour continuer à servir le Sénégal avec la même
détermination et la même intégrité qui ont toujours guidé vos actions.
2029, c’est maintenant. Les défis de demain se préparent aujourd’hui. Vous avez prouvé que
vous êtes capable de surmonter l'adversité et de rester fidèle à vos principes malgré les vents
contraires. L'heure est venue de planifier, de mobiliser et de structurer une stratégie solide
pour les années à venir. Chaque instant compte, et le travail à accomplir dans le Sénégal des
profondeurs sera déterminant. Vous devez être prêt à investir tout votre temps, votre énergie,
et à rassembler autour de vous une équipe engagée, prête à relever les défis qui se présentent.
Comme celui de 2024, le chemin vers 2029 sera parsemé d'embûches, mais c'est aussi une
opportunité unique de démontrer votre leadership comme vous avez su le faire. Commencez
dès maintenant à écouter, à apprendre, et à bâtir une vision claire.
Le PSE vous sera utile en
ce qu’il contient de mieux, mais il faudra nécessairement apporter votre touche personnelle.
Aujourd'hui, il est temps de tracer votre propre chemin. Les résultats de ces élections
montrent que vous avez un soutien solide, mais pour atteindre vos objectifs lors des
prochaines échéances, il vous faudra vous consacrer pleinement à la conquête des suffrages
des sénégalaises et des sénégalais. Cela nécessitera un travail titanesque dans le Sénégal des profondeurs, par la proximité et l'écoute.
C'est le moment ou jamais de «voler de vos propres ailes», fort des leçons tirées de vos
expériences passées. En apprenant de chaque étape franchie, en tirant parti de chaque
difficulté surmontée, vous pourrez bâtir une base solide et inspirer la confiance des
sénégalaises et des sénégalais.
Les obstacles ne doivent pas freiner votre ambition. Au contraire, ils peuvent devenir le socle
sur lequel vous construirez une base encore plus solide pour l'avenir. Chaque jour compte, et
les prochaines étapes de votre parcours nécessiteront une organisation rigoureuse et une
mobilisation sans faille de vos soutiens.
Je vous souhaite beaucoup de courage et de succès dans cette nouvelle étape de votre
parcours, avec toute mon estime !
Par M. Sally Birom SECK
Diplômé de l’Université Dakar Bourguiba, de l’Université de Lorraine et de l’Université de Strasbourg
Entrepreneur & Consultant
Ancien Chargé d’Enseignements Vacataire (C.E.V) à l’Université de Strasbourg
Le 02/09/2024