09/02/2025
**Extraits*
*de mes mémoires d'écolier**
_*A*_
*_Mes maîtres d'école et camarades de promo_**
Elue députée à l’assemblée nationale du Sénégal lors de la treizième législature de 2022, notre sœur Sokhna peut compter sur un talent et des dispositions dont nous pouvons témoigner plus de quarante ans après le cours élémentaire.
L’école rimait aussi avec le détail de tant de faits et de choses qui y avaient cours et qui nourrissaient à merveille nos mémoires puériles. Ainsi en était-il de nos éponges que l’on mouillait de nos salives ; des capsules, bâtonnets, des cailloux et des gorgées d’eau que l’on payait avec des brisures de craie. L’odeur de la gomme incrustée au bout du crayon noir me faisait à la fois penser au caoutchouc et au chewing-gum. J’aimais la renifler encore et encore, la gomme. Peut-être que l’égratignais-je un tout petit peu du bout des dents. J’ose croire sincèrement que je n’étais pas le seul à verser à cette gloutonnerie qui ne disait pas son nom.
Monsieur Fall fut l’un de mes maîtres d’école dont je garde encore fortement le souvenir. Il était de teint clair ; sa silhouette mince était plutôt longiligne. Il se tenait avec une certaine nonchalance et avait un petit quelque chose qui intriguait au premier abord : sa pomme d’Adam d’une rare proéminence. On la voyait bouger le long de sa gorge renvoyant l’image de ces gros rats noirs qui faisaient leurs trous sous les paillassons et les lits. Monsieur Fall se singularisait surtout par son air jovial. Aux heures de récréation, il jouait à nous jeter des mangues et des pièces d’argent. Regroupés devant lui, les élèves s’agitaient comme ils pouvaient courant de-ci de-là pour mettre la main sur les petits cadeaux qui nous tombaient dessus telles des mannes précipitées du ciel.
Dans la plupart des cas cependant nos rapports avec nos maîtres étaient délicats pour tout le moins. Combien de fois avions-nous souhaité à tel ou tel autre une raison sérieuse de ne pas venir au cours ? Peut-être un coup de fièvre peut-être…quelque chose de plus grave. Et Dieu sait qu’il y’avait de quoi !
En effet, la conjugaison, l’arithmétique ou le système métrique qui nous attendait dans le froid glacial du matin était pour la plupart des potaches aussi compliqué que parler la langue de Li Xi Ping, le président chinois. Aussi se démerdait-on comme on pouvait pour se fourrer dans le maximum de vêtements possibles et amortir à l’occasion les morsures du _gros bonhomme,_ la fameuse cravache de Monsieur. Deux à trois tee-shirts dessous, trois à quatre chemises dessus et pour compléter le tout deux pulls en laine assez bas pour couvrir le mieux possible le fessier.
C’est probablement pour exorciser la hantise de telles tortures endurées à l’école que je fis jouer à mes élèves il y’a quelques années une saynète assez symbolique et à mourir de rire :
*Le maître* : Qui peut réciter la dernière leçon d’histoire ?
*Les élèves* : (lèvent la main) Monsieur…Monsieur…Monsieur.
L’élève Cheikh Diop ne lève pas la main. Courbé sous sa table, il a l’air de fouiller dans son sac.
*Le maître* : Mais Cheikh Diop que fais-tu là ? Viens réciter ta leçon.
Cheikh se relève alors et tient un gros morceau de manioc qu’il vient de tirer de son sac. Il se dirige au tableau et remet au maître le légume.
*Cheikh Diop* : Tenez Monsieur, c’est un cadeau ; j’étais occupé au jardin de mon père hier.
*Le maître* : Cheikh Diop, peux-tu réciter cette leçon oui ou non ?
Cheikh joint les mains en signe de prières. Il n’arrête pas de s’agenouiller et de se relever.
« Monsieur pardon, Monsieur pardon, je te donnerai de l’argent Monsieur ; tu es si bon et si gentil Monsieur »
*Le maître* : Prenez-le par quatre.
*Un élève* : Monsieur, Cheikh a superposé plusieurs vêtements.
*Le maitre* : Ah bon, je veux vérifier ça. Cheikh Diop enlève tes habits.
L’élève s’exécute et le maître décompte l’un après l’autre les habits déposés à ses pieds :
*Le maître* : …Trois, quatre…neuf…douze…quinze !
A Suivre......
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*Mamadou Magarem FALL* [email protected]