09/10/2025
Vers une recomposition géopolitique du Moyen-Orient : quels avenir pour la Palestine après l'annonce d'un accord sur Gaza?
L’annonce imminente d’un accord sur Gaza marque un tournant décisif dans l’histoire récente du Moyen-Orient. Après des mois de guerre, d’enlisement diplomatique et d’impasse humanitaire, cet accord, négocié sous l’égide conjointe des États-Unis, du Qatar, de l’Égypte et de la Turquie, ouvre une brèche dans le mur du conflit israélo-palestinien. Mais cette ouverture, aussi prometteuse soit-elle, ne constitue pas encore une paix. Elle est une pause stratégique, une respiration géopolitique dans un espace en recomposition.
Dans sa forme actuelle, l’accord prévoit une suspension des hostilités, la libération d’otages et de prisonniers, et la mise en place d’un couloir humanitaire international géré par les Nations unies. Pourtant, les véritables enjeux dépassent le seul aspect humanitaire. Ce cessez-le-feu partiel pose la question de l’avenir politique de Gaza. Qui gouvernera ce territoire après la guerre ? Une autorité technocratique, l’Autorité palestinienne réformée, ou une administration internationale sous mandat arabe ? Ce flou institutionnel résume les tensions du moment. Aucune paix durable ne peut se construire sans solution politique claire.
Du côté israélien, les enjeux sont multiples. Le gouvernement de Benjamin Netanyahu cherche à sauver son image interne, fragilisée par la guerre et les critiques internes. Sur le plan sécuritaire, Israël doit désormais gérer une triple tension : au sud avec Gaza, au nord avec le Hezbollah libanais, et à l’est avec la menace d’un front élargi sous impulsion iranienne. Le cessez-le-feu à Gaza ne signifie donc pas la fin du conflit régional, mais plutôt son repositionnement sur d’autres théâtres, notamment la mer Rouge où les Houthis perturbent les routes commerciales mondiales, illustrant combien la guerre de Gaza a une portée systémique mondiale.
Dans le monde arabe, l’accord ravive des ambitions diplomatiques longtemps mises en veille. L’Arabie saoudite, prudente, conditionne toute normalisation avec Israël à des progrès tangibles vers la création d’un État palestinien. Le Qatar et l’Égypte, médiateurs historiques, consolident leur rôle d’acteurs pivots entre l’Occident et le monde arabe. La Turquie, de son côté, s’efforce de redevenir une puissance d’équilibre, tout en maintenant un discours pro-palestinien. Face à eux, l’Iran reste l’ombre portée du processus. Il pourrait tolérer un cessez-le-feu tactique, mais continuera à entretenir ses relais régionaux, Hezbollah, Houthis, milices chiites pour peser dans la recomposition à venir.
Les grandes puissances ne sont pas en reste. Les États-Unis, affaiblis par l’usure de leur image au Moyen-Orient, voient dans cet accord une opportunité de réaffirmer leur leadership diplomatique et d’éviter un embrasement susceptible d’impliquer leurs forces dans la région. L’Union européenne, quant à elle, demeure sur un rôle humanitaire et financier, sans réelle influence politique. En revanche, la Chine et la Russie avancent leurs pions : Pékin capitalise sur son image de médiateur rationnel et promoteur de corridors économiques alternatifs, tandis que Moscou exploite les divisions occidentales pour renforcer son ancrage géopolitique au Levant.
À court terme, trois scénarios se dessinent. Le premier, celui d’un atterrissage contrôlé, verrait l’instauration d’un cessez-le-feu durable, la création d’une autorité intérimaire à Gaza, et la relance d’un processus politique crédible. Le second, plus probable, serait celui d’une trêve prolongée mais sans solution politique, où Gaza serait reconstruite sans que la question palestinienne ne soit réglée. Enfin, le troisième scénario, celui d’une rechute, verrait la reprise rapide des hostilités, à la faveur d’un incident majeur ou d’une surenchère militaire dans la région.
En réalité, l’avenir de la Palestine et du Moyen-Orient, dépendra de la capacité collective à transformer cette trêve en moment fondateur d’une nouvelle architecture régionale. Si l’accord reste purement humanitaire, il ne fera que geler le conflit. Mais s’il s’accompagne d’une véritable refondation politique, incluant la réunification institutionnelle palestinienne, la reconnaissance d’un État viable et la garantie de sécurité pour Israël, il pourrait inaugurer une ère de stabilisation progressive.
Dans un monde multipolaire où les lignes de puissance se déplacent, la question palestinienne n’est plus seulement un conflit territorial : elle est devenue un test de crédibilité pour l’ordre international. Sa résolution, ou son enlisement révélera si la communauté mondiale est encore capable de produire de la paix dans un système fragmenté, dominé par la compétition entre puissances et la fatigue des idéaux multilatéraux.
Devant cette situation, l’accord sur Gaza est un tournant fragile, porteur d’espoirs mais miné par les incertitudes. Il ouvre une fenêtre historique sur une possible redéfinition du Moyen-Orient : soit une paix structurée autour d’un compromis politique global, soit une stabilisation illusoire sur fond de tensions latentes. Dans les deux cas, la Palestine demeure au cœur de la grande géopolitique mondiale, miroir des fractures, des ambitions et des impuissances de notre époque.