30/11/2025
Violence politique en Afrique : un mal ancien qui se réinvente
La violence en politique demeure l’une des réalités les plus persistantes du paysage africain, des premières années d’indépendance jusqu’à aujourd’hui. Malgré les progrès démocratiques observés depuis les années 1990, le recours à la force, à l’intimidation et à la répression reste un instrument privilégié pour contrôler la vie publique et neutraliser la concurrence politique.
Un héritage autoritaire toujours présent
À la sortie de la période coloniale, de nombreux régimes africains ont rapidement basculé vers des gouvernances autoritaires. Faiblesse de l’État, compétition pour le pouvoir et absence d’alternance réelle ont encouragé des pratiques politiques fondées sur la coercition.
Dans cette logique, la diversité ethnique et sociale a souvent été utilisée pour justifier la centralisation extrême du pouvoir et pour légitimer la répression de l’opposition. Résultat : emprisonnements arbitraires, procès politiques, torture, exécutions sommaires et disparitions forcées ont marqué les premières décennies des indépendances.
Dans certains cas, la brutalité a atteint des niveaux inouïs, comme la profanation de tombes de proches d’opposants, une stratégie destinée à briser psychologiquement les familles et à terroriser l’opinion.
Une répression qui se banalise
Au-delà des épisodes historiques spectaculaires, la violence politique s’est installée dans le quotidien. Dans plusieurs pays, toute manifestation pacifique devient prétexte à une intervention des forces de sécurité. Les revendications citoyennes, même légitimes, sont souvent étouffées par des arrestations massives, des brutalités policières ou des interdictions injustifiées.
De nombreux opposants, militants et journalistes vivent dans une insécurité permanente : refus de passeports, interdiction de voyager, pressions administratives, harcèlement économique ou professionnel. Ces formes de violence discrète, moins visibles, n’en sont pas moins destructrices.
Même dans les démocraties, une violence politique plus subtile
Les pays considérés comme démocratiques ne sont pas épargnés. Les méthodes ont simplement changé de forme. Là où les dictatures procédaient par répression brute, certains régimes démocratiques recourent à des moyens plus sophistiqués :
tentatives de dissolution de partis,
obstacles juridiques contre des candidats,
manipulations médiatiques,
calomnies sur les réseaux sociaux,
pressions contre la presse indépendante,
achat de consciences ou cooptation d’acteurs influents.
Cette violence « douce » permet de verrouiller le champ politique sans recourir au sang, mais en obtenant les mêmes résultats : réduire l’espace de liberté et étouffer le pluralisme.
Un problème structurel qui interroge l’avenir
La persistance de la violence politique en Afrique renvoie à des causes profondes : institutions fragiles, pouvoir personnalisé, compétition pour les ressources de l’État, instrumentalisation des identités, absence de culture démocratique solide et ingérences extérieures intéressées.
Face à ces défis, la démocratisation ne peut se limiter aux élections. Elle doit impliquer une véritable transformation des pratiques politiques, un renforcement de l’État de droit et une protection effective des libertés publiques.
La stabilité durable du continent dépendra de la capacité des États africains à rompre avec la logique de domination par la force et à faire émerger une culture politique fondée sur le dialogue, la transparence, la responsabilité et le respect de l’opposition.