21/07/2025
Remaniement ministériel : Ces 5 postes stratégiques qui vont revenir au Pastef
Depuis quelque temps, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, subit une pression interne croissante. Certains caciques de son parti réclament un remaniement en profondeur, notamment dans les ministères dits de souveraineté – Justice et Intérieur –, qu’ils souhaitent confier à des hommes du Projet. Une exigence qui semble pourtant en porte-à-faux avec la ligne éthique Jub-Jubbal-Jubanti prônée par Pastef.
Ce qui n’était autrefois qu’un discret agacement, murmuré dans les couloirs de Pastef, résonne désormais comme une revendication publique et insistante. Quinze mois à peine après son accession à la magistrature suprême, le président Diomaye Faye fait face à l’impatience grandissante de ses soutiens. L’aile dure du parti, restée jusque-là en retrait, relève la tête et souffle sur les braises d’un remaniement ministériel ou, du moins, d’un réajustement gouvernemental. Selon L’Observateur, les critiques, autrefois feutrées, se transforment désormais en véritables réquisitoires.
Dans les ministères dits de souveraineté (Ministère de la Justice, Ministère de l’Intérieur, Ministère des Forces armées, Ministère des Affaires étrangères, Ministère de l’Économie, des Finances et du Budget), certains responsables ne voient plus des relais de l’État mais des bastions d’une inertie jugée responsable de l’essoufflement des réformes. Pire, ces ministères seraient perçus comme des poches de résistance à la ligne politique incarnée par Ousmane Sonko. Le Premier ministre lui-même avait ouvert la brèche en accusant la justice sénégalaise d’être « l’un des plus gros problèmes du pays ». Ce dimanche, un pas supplémentaire a été franchi.
Cheikh Thioro Mbacké, vice-président de l’Assemblée nationale et figure montante de Pastef, a repris la charge. Depuis le plateau de la Radio Télévision Sénégalaise (RTS), sa voix a claqué sans ambages : il faut « nettoyer la Justice et y installer des hommes qui comprennent et incarnent la vision de Pastef ». Une déclaration aux allures d’ultimatum. Mais derrière cette clameur, une interrogation demeure : le président Bassirou Diomaye Faye cédera-t-il à la tempête qui gronde dans son propre camp, ou choisira-t-il de préserver l’équilibre fragile d’un pouvoir déjà ébranlé par les coups de boutoir de ses alliés les plus impatients ?
« L’État doit être tout sauf partisan »
Journaliste et analyste politique, Assane Samb replace cette pression dans un contexte plus global. Selon lui, cette offensive interne s’est intensifiée à la suite de la récente sortie du Premier ministre Ousmane Sonko, qui n’a pas hésité à défier publiquement l’autorité du président. Dans une analyse relayée par L’Observateur, il affirme que les velléités de prise en main de l’appareil d’État par Pastef ne datent pas d’hier.
Pire encore, note le journaliste, les réseaux sociaux jouent désormais un rôle central dans la stratégie politique du parti, au point d’influencer la mécanique institutionnelle. « C’est ce qui fait que la pression de la rue, encouragée par le Premier ministre, exerce une forme d’influence sur le fonctionnement de la République. Il y a une forme de Parti-État en gestation, avec la complicité du Premier ministre, qui tente d’imposer une pensée unique, une autocratie. Cela contredit profondément le discours que tenait Pastef dans l’opposition », explique Assane Samb.
Il ajoute que le président Bassirou Diomaye Faye pourrait ne pas avoir les coudées franches pour s’opposer à cette dérive. Toutefois, selon lui, il doit résister, car cette logique autocratique est promue en haut lieu, notamment par Ousmane Sonko lui-même. « Le chef de l’État ne semble pas se laisser faire, comme il l’a montré récemment en rappelant aux pastéfiens le seul combat qui vaille », conclut le journaliste. Mais pour lui, cette réaction reste insuffisante. « Le président doit faire preuve de plus de fermeté, car il a hérité d’un État démocratique, et non d’un État-Pastef. »
« On est en train de lui imposer une forme de cohabitation politique, et si les pouvoirs du Premier ministre sont renforcés, le président risque d’être relégué à un rôle honorifique. C’est ce que souhaite une frange de Pastef, mais tout dépendra de la capacité de Diomaye à tenir bon », soutient-il.
Le spectre d’un État-Parti
Le juriste et défenseur des droits humains, Senghane Senghor, va encore plus loin. Il dénonce avec fermeté toute tentative, quelle qu’en soit l’origine, de faire basculer le Sénégal dans une forme d’autocratie. Pour lui, la volonté de Pastef d’imposer un État-Parti ne fait plus de doute. Mais la responsabilité incombe, dit-il, au président Bassirou Diomaye Faye.
« C’est à lui de faire comprendre à tous qu’il a hérité d’un État républicain, qui doit rester neutre, non partisan. Ce que certains responsables de Pastef veulent imposer, c’est une gestion clanique de l’État. Ils rêvent de transformer le Sénégal en un État-Pastef. Or, le Sénégal est une République, il n’est pas un parti politique. Même si l’on réunissait tous les leaders politiques du pays, ils n’auraient pas le droit de dire : “Nous voulons gouverner seuls, selon notre bon vouloir”. A fortiori un seul parti », tranche Senghor dans des propos recueillis par L’Observateur.
« Ce que Pastef décrit, ce n’est pas un État »
Dépité par les prises de position des figures montantes du parti au pouvoir, Senghor tire la sonnette d’alarme. À ses yeux, la vraie menace d’une dérive autoritaire est claire : les erreurs du pouvoir finissent toujours par retomber sur le peuple. Laisser Pastef installer ses hommes aux postes clés – Justice, Intérieur, et autres – reviendrait, selon lui, à ouvrir la porte à une crise politique de grande ampleur.
« Rien ne garantit, affirme-t-il, que si l’on laisse verrouiller ces secteurs stratégiques, on ne se retrouvera pas avec une crise profonde, peut-être même impossible à résoudre. Le risque est systémique : celui d’un État capturé par un parti, au détriment de la République », avertit Senghor.
Il insiste : « La gouvernance demande de l’intelligence et de l’équilibre. Si ces ministères tombent aux mains d’un seul courant, les Sénégalais pourraient penser que l’appareil d’État sera utilisé pour réprimer. Ce que Pastef reprochait au régime précédent, il est en train de le reproduire. »
Le danger est, selon lui, d’autant plus profond que si le peuple venait à se soulever, le pays pourrait basculer dans une spirale de violence aux conséquences incalculables. « Ce que certains leaders de Pastef veulent imposer n’a rien à voir avec l’histoire politique du Sénégal indépendant. Dans un État démocratique, même les minorités doivent être respectées. Cette volonté de peindre tout le Sénégal aux couleurs de Pastef est inacceptable. Et le président Diomaye ne doit pas tomber dans ce piège partisan. On lui a confié un État, pas un parti », martèle-t-il.
Toutefois, Senghor ne s’oppose pas à un remaniement. Il plaide pour une ouverture plus large, contrairement à l’aile dure de Pastef qui prône une logique purement partisane. « S’il procède à un réaménagement, il doit ratisser large et former un gouvernement dans lequel tous les Sénégalais peuvent se reconnaître », conseille Senghor.
Une ouverture nécessaire
Une position partagée par Elimane Khaby Kane, président du Think Tank Legs Africa. Invité de l’émission Face au Jury sur PressAfrik, il a plaidé pour une ouverture dans le cadre d’un éventuel remaniement. Pour lui, un réajustement ministériel peut être salutaire, à condition de ne pas se limiter aux fidélités politiques.
« Il faut aller chercher les compétences, pas seulement les loyautés », affirme Elimane Khaby Kane, en contradiction frontale avec la ligne dure de Pastef. Pour lui, la gouvernance actuelle est marquée par un repli partisan et un entre-soi contre-productif.
S’il veut réussir la transformation promise, le président Bassirou Diomaye Faye doit poursuivre sa logique d’ouverture, y compris vers la diaspora. Mais ce cap semble difficile à maintenir avec une base militante toujours plus exigeante, et une aile dure qui rêve de verrouiller l’État.
La question du jour
En cas de remaniement, Ousmane Sonko doit-il rester Premier ministre ?