28/11/2025
☺️Pour votre Lecture - Présentation de l’auteur
Antoine Bangui, né en 1933 à Bodo, chef-lieu de canton au sud du Tchad, est une figure
marquante de l'engagement intellectuel africain. Formé comme professeur des écoles en
mathématiques, il enseigne cette discipline son pays natal à Bongor, dans le Mayo Kebbi.
Très vite, l’arène politique lui donne l’occasion de traduire ses idées et idéaux en actions pour
faire évoluer le système colonial vers une société plus juste, plus libre.
Sous la présidence de François Tombalbaye, il gravit les échelons de la diplomatie tchadienne,
occupe plusieurs fonctions ministérielles dont celle de ministre de la Coordination à la
présidence. Son engagement, pourtant sincère, l’expose : de 1972 à 1975, Antoine Bangui est
incarcéré, victime des dérives d’un régime liberticide.
Cette épreuve marque un tournant : l'expérience carcérale devient matrice d'une œuvre de
témoignage. Libéré, grâce à un coup d’État militaire, il publie Prisonnier de Tombalbaye (1980,
Hatier, Monde Noir), un témoignage dense et sans fard sur les illusions brisées de
l'indépendance et la brutalité des pouvoirs africains postcoloniaux.
En 1981, il entame une nouvelle carrière comme fonctionnaire international à l’UNESCO, à
Paris, où il travaille jusqu'à sa retraite en 1993. Loin du tumulte de N'Djamena, mais non coupé
de son pays, il renforce son engagement par l’écriture.
Les Ombres de Kôh (1983) fait entendre la voix des Gor, son peuple d’origine, et restitue avec
finesse les rites, les croyances et les liens invisibles tissés entre les communautés des vivants
et de ceux qui ne sont plus.
Avec Tchad : élections sous contrôle (1996, L’Harmattan), Antoine Bangui poursuit sa critique
lucide des pouvoirs en place, en dévoilant les rouages d’une transition démocratique
confisquée par un pouvoir militaire épaulé par l’ancienne puissance coloniale. Mais son
engagement ne s’arrête pas à la sphère politique : il s’enracine aussi dans la mémoire vivante
de sa culture du sud du Tchad.
Plus récemment, Taporndal : petites chroniques du pays Gor et d’ailleurs (2016, L’Harmattan)
prolonge cette double fidélité : un regard à la fois ancré dans la terre natale et ouvert sur les
mutations sociales, dans un Tchad toujours pris entre héritages profonds et aspirations
contemporaines.
Par ce chemin de plume, Antoine Bangui s’est imposé comme une conscience vigilante du
Tchad contemporain. Son œuvre, nourrie d’expériences vécues — diplomatie, politique,
détention, exil — et traversée par une constante exigence éthique et une sensibilité tournée
vers la tolérance, le progrès social, éclaire les transitions politiques africaines bien au-delà de
son seul pays natal.
Lire Antoine Bangui aujourd’hui, c’est écouter une voix qui, ayant traversé les arcanes du
pouvoir, sait reconnaître les mirages et rappeler aux peuples que l’indépendance véritable ne
se décrète pas : elle se construit, lucide et patiente.