31/07/2025
Attiré par l’espoir, piégé par le mensonge : Masra Succès, victime expiatoire du patriotisme
L’affaire Masra Succès incarne toute la duplicité du régime tchadien. À peine rentré d’exil, cet homme, porté par l’espoir d’une transition sincère, se retrouve aujourd’hui otage d’un système auquel il a pourtant offert une légitimité politique. Le pouvoir, fidèle à sa tradition de trahison, n’a eu besoin que de quelques mois pour le broyer. Les chefs d’accusation avancés sont ridicules : incitation à la haine raciale, comme si le Tchad, majoritairement composé de populations noires, abritait un quelconque apartheid ethnique ! L’amnistie générale, fièrement brandie par les autorités pour faire croire à une ouverture politique, s’est révélée n’être qu’un chiffon juridique aussitôt foulé au pied.
Masra est victime non pas de ses actes, mais de l’audace d’y avoir cru. Il a misé sur un dialogue avec un pouvoir qui ne sait que piéger, manipuler et réprimer. Les preuves de son innocence abondent, mais le régime s’obstine à maintenir cet homme en détention pour sauver la face, en sacrifiant un symbole. Il fallait un fusible à cette mascarade démocratique : Masra fera l’affaire.
Mais derrière cette stratégie cynique se cache une leçon cruelle : dans un pays où le patriotisme est souvent assimilé à la naïveté, tendre la main revient à offrir son cou à la guillotine. Masra croyait être un artisan de paix, il devient l’incarnation de la répression. Le peuple, témoin impuissant, assiste à l’assassinat politique d’un homme qui, en voulant construire avec les puissants, a oublié qu’on ne bâtit pas sur le sable mouvant du mensonge d’État.
Masra Succès paie aujourd’hui le prix de sa propre arrogance politique
Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Masra Succès est aujourd’hui rattrapé par sa propre arrogance, fruit d’une ambition mal calculée. Quand l’opinion nationale et internationale critiquait à juste titre l’accord de Kinshasa, il balayait tout d’un revers de main. Pire, il traitait les sceptiques de “jaloux” et de “haineux”, les analystes lucides de “commentateurs à deux bakourou”. Ce mépris envers les avertissements honnêtes a aujourd’hui un goût amer, car le régime qu’il a contribué à renforcer par naïveté ou calcul le piétine avec violence.
La vérité, c’est que ce pouvoir n’a jamais respecté un seul engagement depuis 1979. Qu’est-ce qui faisait croire à Masra qu’il serait l’exception ? Pourquoi pensait-il pouvoir apprivoiser un système qui se nourrit de la trahison ? En s’associant à une dictature chronique, il s’est rendu complice, puis prisonnier d’un jeu dont il ne maîtrise ni les règles ni les arbitres.
Certains diront qu’il faut attendre, que l’heure n’est pas aux reproches. Faux. C’est justement maintenant, entre les quatre murs de sa cellule, qu’il doit méditer. On ne parle pas à un homme tombé pour l’enfoncer, mais pour qu’il sorte grandi. Et s’il en sort, il devra comprendre que la virginité politique ne se préserve pas dans l’orgueil et la négation des réalités.
Aujourd’hui, nous réclamons sa libération sans détour. Mais nous lui devons aussi cette leçon : on ne pactise pas avec un régime dont l’ADN est le mensonge, sauf à devenir une victime consentante. Masra est en train d’en faire l’amère expérience. Que cela serve au moins de mise en garde pour ceux qui croient encore pouvoir danser avec le diable sans se brûler les ailes.
Eric Ngarlem Tolde