24/07/2025
Alerte! - Les Laoukoura de la République : quand l’intellect se prostitue pour un plat de lentilles.
Par: Eric Ngarlem Tolde
Il fut un temps où le savoir imposait le respect. Où l’intellectuel, fort de sa plume et de sa parole, se dressait face à l’injustice, éclairait les consciences, portait la voix des sans-voix. Ce temps-là semble bien révolu. Aujourd’hui, au Tchad, l’intellectuel a troqué sa dignité contre quelques miettes. Il ne pense plus, il quémande. Il n’éclaire plus, il obscurcit. Il ne s’indigne plus, il justifie son gombo. Bienvenue dans l’ère des mendiants intellectuels, ces courtisans modernes que j'apporte ce néologisme personnel baptisé, à juste titre, "le Laoukourtisme".
La mendicité sous couvert d’érudition
Ils sont diplômés. Parfois bardés de titres universitaires. Mais dans un système où le mérite est un délit et l’intégrité une tare, ces pseudo-intellectuels se retrouvent à errer dans les couloirs du pouvoir, à racler les fonds de casserole de la République. Ils ne lisent plus pour comprendre, ils lisent pour plaire. Ils n’écrivent plus pour éveiller, ils écrivent pour flatter leurs bourreaux. Leur engagement n’est pas pour le peuple, mais pour leur propre ventre. Ils ont la rhétorique du courage, mais la pratique de la soumission et de l'aplaventrisme.
Le "laoukoirtisme", une épidémie nationale
"Le Laoukoirtisme", cette pathologie qui pousse l’intellectuel à prostituer sa matière grise au plus offrant, gangrène notre société. À l’origine, le terme désignait ceux qui, dans les bureaux, savaient manier la plume avec rigueur et loyauté. Aujourd’hui, il désigne surtout ceux qui retournent leur veste selon la direction du vent, qui sont prêts à dire "noir" ce qui est "blanc", à maquiller la vérité pour sauvegarder leurs privilèges.
Ils occupent les plateaux télé, ils squattent les réseaux sociaux, ils publient des tribunes vides de sens mais pleines de flagornerie. Leur mission ? Désarmer l’opinion publique, ridiculiser les voix critiques, et ériger les pillards de la République en patriotes vertueux. Ils ont fait de la trahison un métier.
Quand la jeunesse devient complice
Le plus tragique, c’est que cette perversion intellectuelle contamine la jeunesse. Nombre de jeunes, mus par la misère et l’ambition, se transforment en petits laoukoura en devenir. Sur les réseaux, ils menacent, insultent, diffament quiconque ose critiquer le régime. Non pas par conviction, mais pour se faire remarquer, espérant un poste, une enveloppe, un voyage ou une nomination. À ce rythme, nous sommes en train de fabriquer une génération d’esclaves volontaires, de jeunes sans colonne vertébrale, prêts à tout sacrifier sauf leur servitude.
Et les journalistes, complices silencieux ou bourreaux actifs?
Le rôle des journalistes aurait pu faire contrepoids à cette dégénérescence. Mais hélas, nombre d’entre eux ont choisi leur camp : celui du mensonge. Le journalisme, ce noble métier censé être au service de la vérité, est devenu pour certains une entreprise de désinformation à la solde des puissants. Ils truquent les faits, détournent les mots, assassinent la réalité, tout cela pour remplir un ventre qui gargouille. L’éthique ? Jetée aux orties. L’honneur ? Écrasé sous le poids de la survie.
Résister ou périr
Face à cette déchéance, il est urgent de réveiller les consciences. L’intellectuel n’est pas un griot de palais, il est la conscience critique de la nation. Il n’est pas fait pour mendier, mais pour défendre. Il n’est pas là pour applaudir les criminels en col blanc, mais pour les dénoncer. Le silence des honnêtes est une complicité. Il est temps que les véritables intellectuels sortent de leur torpeur et reprennent leur place dans l’espace public.
La République ne se construira pas sur les dos courbés, mais sur les esprits debout. Et tant qu’il y aura des hommes et des femmes capables de dire non, capables de penser librement, tout ne sera pas perdu.
Je ne cherche pas à plaire à une personne, je fais ce qui est juste et logique.