31/08/2024
Tout le monde parle de l’influence.
C’est un sujet qui nous obsède, qui nous fascine, qui nous interroge, mais il y a un malentendu. Rien au monde n’est aujourd’hui aussi influent que le son. Rien.
Le son est un vecteur d’influence depuis la nuit des temps. C’est intrinsèquement le médium qui nous parle le plus, qui nous informe le plus, et qui – disons-le clairement – a le plus de pouvoir sur nous. Nous donnons de l’attention et du crédit au son parce que nous savons de façon physiologique, quasi reptilienne, qu’il nous est souvent indispensable pour nous orienter ; nous savons que chaque son, chaque musique nous apprend des choses, nous révèle ce que les mots ou les images ne savent pas nous dire. Le son nous domine. Nous ne pouvons l’ignorer. Il y a une forme de déterminisme biologique que les neurosciences nous aident aujourd’hui à mesurer : nous ne pouvons résister à la vérité du son.
Pourtant, il serait largement insuffisant de s’en tenir à ce constat biologique. Le son d’aujourd’hui, la musique, l’audio au sens large du terme, est sans commune mesure avec ce qu’il avait toujours été auparavant. La transformation de nos relations au son et à la musique ces vingt dernières années, le chemin qui se trace pour ce siècle – ouvert notamment par une révolution technologique majeure –, confère à l’audio une force inconnue et inégalée. C’est une puissance au sens fort du terme. Elle se bâtit dans l’envergure inédite de sa diffusion, dans la précision nouvelle de la perception de son langage, dans sa capacité à fédérer le monde. Elle s’expose dans sa capacité à guider nos pas, nos opinions et nos actes d’achats, à s’adresser à tous ou à chacun en nous dictant nos décisions et nos pensées dans une suggestion sans doute implicite mais formidablement performante.
Des analyses de l’influence du son, de la voix, de la musique, j’en ai eu des centaines entre les mains, sans compter celles que j’ai moi-même pilotées. Ce que j’ai pu observer dans l’évolution de ces dernières années est spectaculaire. Ce qui fonctionnait il y a trente ou quarante ans ne fonctionne plus aujourd’hui. Ce qui avait un certain impact, il y a dix ans, peut aujourd’hui avoir un impact deux fois, trois fois, parfois dix fois plus important. Rien n’échappe au pouvoir nouveau du son et de la musique. Rien n’égale le retour sur investissement qu’ils offrent désormais à ceux qui savent s’y prendre. J’ai vu et mesuré comment la musique choisie par un candidat à l’élection présidentielle (pour ses clips de campagne, ses meetings) pouvait nuire à la clarté de son positionnement, quand à l’inverse elle pouvait amplifier la puissance du discours et l’adhésion des foules pour un autre candidat – un certain Barack Obama. J’ai testé à quel point la musique d’introduction d’une vidéo par laquelle un patron du CAC 40 annonçait les résultats annuels de son groupe pouvait contredire le message clé qu’il venait porter à tous ses collaborateurs, jusqu’à remettre en question la posture même qu’il adoptait, la persona qu’il voulait bâtir et finalement sa crédibilité. J’ai mesuré combien l’investissement publicitaire d’une marque n’avait pas du tout la même performance en fonction du choix musical qui était fait, mais aussi à quel point les raisons du choix musical des agences de publicité n’étaient plus valides, car elles reposent sur un paradigme qui n’existe plus.
Les règles du jeu ont changé. La pratique a changé, mais le jeu en vaut la chandelle comme jamais auparavant. La maîtrise du son, de la musique et de tout ce qui relève de l’écoute est devenue un pouvoir sans pareil au service de chacun, autant qu’une nécessité pour les dirigeants, les décideurs, ceux qui aspirent au succès dans les années, les décennies et le siècle qui viennent.
Il n’existe pas de neutralité sonore. Il faut remplacer la perspective intuitive selon laquelle le son serait un élément secondaire ou ornemental, qui accompagne de façon plus ou moins agréable un message. Au contraire, la musique est un second message qui vient se graver à un niveau plus profond, moins explicite et plus durable que le premier.
En ce siècle de bouleversement et d’accélération inédite, on ne peut plus peser sans le son. L’erreur comme l’errance ont un coût trop important, mais l’échec n’est pas une fatalité. La réussite n’est pas le fruit du hasard. Elle est à portée de main.
Comme nous allons le voir, nous vivons dans un monde où l’éducation au langage sonore s’est décuplée. Tous les consommateurs, pas seulement les plus jeunes, ont acquis un formidable vocabulaire dans ce domaine, qui leur permet de décrypter les nuances d’un discours. Les marques ont la responsabilité de se hisser à ce niveau d’exigence pour conserver un lien avec leurs publics et parvenir à s’incarner au XXIe siècle. Pour cela, il faut qu’elles apprennent à maîtriser ce vocabulaire et à l’intégrer à leurs réflexions stratégiques.
C’est l’objectif de ce livre.