07/20/2025
Chronique Du Dimanche
Méditations chaudes
Le plaisir des faits
Dimanche, 20 Juillet 2025.
Par: Moss Doumyck, Politologue, Critique Littéraire
Bourgeoisie vorace, Nation à genoux : l’ogre Boulos démasqué.
Il a longtemps joué à l’homme d’affaires moderne, au philanthrope déguisé, au réformateur en costume trois-pièces. Il a multiplié les casquettes : médecin, entrepreneur, industriel, politicien. Mais derrière la façade lisse et les sourires de façade se cachait une figure bien plus sinistre : celle de l’ogre bourgeois, ce dévoreur insatiable des richesses d’un pays qu’il prétendait vouloir sauver. Aujourd’hui, le masque est tombé. Réginald Boulos, ce symbole vivant d’une bourgeoisie haïtienne rapace, a été arrêté sur le sol américain. Et avec lui, c’est toute une caste qui tremble.
Réginald Boulos n’est pas qu’un homme d’affaires. Il est l’incarnation d’un système. Celui d’une bourgeoisie haïtienne qui, depuis plus d’un siècle, s’est installée comme une classe rentière, sans projet national, sans souci du bien commun, mais avide de profits et de privilèges. Héritier d’un empire familial, il a su naviguer entre les failles d’un État en ruine pour bâtir une fortune tentaculaire dans les secteurs-clés : santé, finance, immobilier, carburant, commerce, et même politique.
Il a dirigé la chambre de commerce, influencé les sphères médiatiques, flirté avec les partis, commandité des mouvements, puis fondé son propre projet présidentiel. Il a tout essayé, sauf l’éthique.
Pendant que la majorité de la population survit avec moins de 2 dollars par jour, Boulos et ses pairs dictent les prix du marché, manipulent les règles fiscales, dominent les importations, et maintiennent le pays dans une dépendance structurelle. L'État n’est pour eux qu’un instrument : une pompe à fonds publics, une couverture légale pour des affaires opaques, une marionnette entre les mains d’intérêts privés.
Les écoles ferment, les hôpitaux croulent, les routes s’effondrent mais les profits de Boulos ne tarissent pas. C’est cela, la bourgeoisie gargantuesque : une classe qui mange pendant que la nation jeûne.
La récente arrestation de Réginald Boulos aux États-Unis, sous des accusations fédérales encore gardées confidentielles (financement suspect de groupes armés, fraude transnationale, collusion économique, mort d'homme en la personne de Jovenel MOÏSE, associations de malfaiteurs), a provoqué une onde de choc dans les milieux d’affaires haïtiens. Ce n’est pas simplement un homme qui tombe : c’est un système qui vacille. L’ogre a été cueilli là où il pensait être protégé en terre de ses partenaires, dans la patrie du capitalisme roi. Mais même là, l’impunité a ses limites.
Qu’importe les détails de l’affaire, ce qui frappe c’est le symbole : la figure du tout-puissant qui chute, l’homme de réseau qui devient suspect, celui qui offrait des conférences sur la "nouvelle gouvernance" et qui finit menotté à l’aéroport JFK.
Cette arrestation est un signal. Non pas parce que Boulos serait l’unique fautif, loin de là. Il est simplement le visage visible d’une structure invisible. D’autres milliardaires haïtiens moins flamboyants, plus discrets continuent de tirer les ficelles, loin des projecteurs. Mais l’arrestation de Boulos expose le ventre mou de cette élite : son cynisme, sa peur de perdre le contrôle, son incapacité à construire autre chose que des fortunes privées.
Peut-être est-ce le début d’une reconfiguration des pouvoirs. Peut-être pas. Mais une chose est sûre : le peuple haïtien, lui, n’a jamais été dupe.
Le cas Boulos n’est pas une fin en soi, mais une balafre ouverte dans le corps d’une République qui cherche encore son souffle. Il faudra bien plus qu’une arrestation pour rompre le cycle de la prédation. Mais nommer l’ogre, c’est déjà lui retirer sa puissance symbolique.
Haïti ne se mangera plus.
Pas sans cri.
Pas sans combat.