11/04/2025
Pourquoi la candidature de Toumba Diakité sera inévitablement rejetée par la Cour suprême.
L’annonce de la candidature du commandant Aboubacar Sidiki Diakité, connu sous le nom de Toumba, à l’élection présidentielle du 28 décembre 2025, a créé un véritable choc dans le paysage politique guinéen. Ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara, il a surpris tout le monde en présentant son dossier de candidature sous la bannière du Parti pour la Réconciliation et le Travail (PRT), accompagné du paiement de la caution fixée à 900 millions de francs guinéens. Cet acte, aussi audacieux que controversé, intervient alors que Toumba purge actuellement une peine de dix ans de réclusion criminelle à la Maison centrale de Conakry, pour sa responsabilité dans le massacre du 28 septembre 2009.
Cette situation a immédiatement suscité un débat juridique et politique : un détenu peut-il légalement briguer la magistrature suprême ? La réponse, à la lumière de la Constitution et du Code électoral guinéens, semble sans équivoque.
Le 31 juillet 2024, le tribunal criminel de Dixinn a rendu un verdict historique, reconnaissant Toumba coupable de crimes contre l’humanité. Il a été condamné pour son rôle de commandement dans la répression sanglante du rassemblement pacifique tenu au stade du 28-Septembre. Bien qu’il ait fait appel de cette décision, son statut de condamné et de détenu demeure. En droit, cette réalité juridique a des conséquences directes sur son éligibilité.
L’article 45 de la Constitution guinéenne fixe clairement les conditions que doit remplir tout candidat à la présidence de la République. Parmi elles, figure une exigence incontournable : j***r de ses droits civils et politiques. Cette disposition n’est pas une simple formalité, mais une condition essentielle, garante de la moralité, de la liberté et de la responsabilité de celui qui aspire à diriger la nation. Or, en étant condamné et incarcéré, Toumba Diakité a perdu cette jouissance de ses droits. Il est donc, de fait, exclu du champ d’éligibilité.
Au-delà de la Constitution, le Code électoral, dans son article 135, renforce cette inéligibilité en précisant que ne peut se présenter à la fonction de Président de la République toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour crime ou délit, ou encore toute personne sous le coup d’un mandat d’arrêt pour infraction grave. Si certains estiment que le caractère définitif de la condamnation n’est pas encore établi, du fait de l’appel en cours, le fait demeure que Toumba est sous le coup d’une peine en exécution. Sa situation pénale active l’empêche matériellement et juridiquement d’exercer un droit de candidature.
Au-delà des textes, la question se pose aussi sur un plan pratique et moral. Comment un homme détenu pourrait-il mener une campagne électorale, se présenter devant la Cour constitutionnelle pour prêter serment, ou encore assumer les fonctions régaliennes liées à la présidence de la République ? Gouverner suppose la liberté de mouvement, la capacité à représenter la nation et à incarner son unité. Or, un prisonnier, privé de liberté et condamné pour des crimes d’une telle gravité, ne peut ni symboliquement ni institutionnellement prétendre à un tel rôle.
La Constitution exige également que le candidat soit certifié apte physiquement et mentalement par un collège de médecins assermentés. Dans le cas de Toumba, une telle démarche semble impossible : les contraintes de son incarcération ne lui permettent pas de se soumettre librement à cet examen, encore moins d’en remplir les conditions d’aptitude à une fonction de cette importance.
Sur le plan politique, la candidature de Toumba soulève aussi une question d’image et de responsabilité. La Guinée, engagée dans un processus de réconciliation nationale après des années de violences et d’instabilité, ne peut se permettre de cautionner, même symboliquement, la candidature d’un homme reconnu coupable de crimes contre l’humanité. L’éthique politique et la crédibilité des institutions exigent que la fonction présidentielle reste l’incarnation de la justice, de la probité et du respect des valeurs républicaines.
En conséquence, il apparaît clairement que la Cour suprême, lorsqu’elle procédera à l’examen des dossiers de candidature, ne pourra qu’écarter celui de Toumba Diakité. La jurisprudence et la cohérence institutionnelle l’y obligent. Le rejet de cette candidature ne serait pas une décision politique, encore moins une manœuvre d’exclusion, mais une stricte application des textes qui régissent la République de Guinée.
La symbolique de cette démarche n’échappera à personne : à travers cette tentative, Toumba semble vouloir se présenter comme un acteur politique victime du système, mais la réalité est tout autre. Son passé judiciaire, sa condamnation et sa détention constituent des obstacles insurmontables à toute ambition présidentielle. Le droit guinéen, dans sa logique, ne fait pas de distinction entre le symbole et la légalité : nul ne peut se placer au-dessus de la loi.
Ainsi, malgré le retentissement médiatique que son initiative a pu susciter, la conclusion s’impose d’elle-même. La candidature du commandant Aboubacar Sidiki Diakité sera inévitablement rejetée. Les fondements constitutionnels et électoraux ne laissent aucune marge d’interprétation. En se prononçant contre cette tentative, la Cour suprême affirmera non seulement l’autorité de la loi, mais aussi la primauté de la morale publique sur la provocation politique.
Enfin, cette candidature, aussi surprenante soit-elle, restera avant tout un épisode symbolique dans l’histoire politique du pays — un acte de défi plus qu’un véritable projet de conquête du pouvoir. En la rejetant, la Cour suprême rappellera à tous que la fonction présidentielle est une responsabilité sacrée, réservée à ceux qui incarnent la dignité, la justice et la liberté, et non à ceux que la justice a déjà reconnus coupables des pires violations des droits humains.
Ibrahim Camara
AlloAfricaNews