04/12/2025
En apparence, les nouveaux partenariats signés à La Réunion pour “renforcer l’ancrage régional” de Mayotte et “faciliter la mobilité de la jeunesse” semblent positifs. Mais si on regarde de plus près, ils s’inscrivent dans une stratégie beaucoup plus profonde : organiser, depuis des années, la fuite en avant de la jeunesse mahoraise vers l’extérieur. L’État a construit un modèle où le Mahorais ne peut pas réellement étudier, se soigner ou réussir sur sa propre terre. Pour les études supérieures, c’est La Réunion ou la Métropole. Pour le soin spécialisé, c’est La Réunion ou la Métropole. Pour les opportunités, encore l’extérieur. Tout est fait pour que les besoins vitaux du Mahorais ne soient pas satisfaits à Mayotte.
Les nouveaux dispositifs de “mobilité” ne viennent pas corriger ce système, ils le complètent. L’ouverture d’une antenne France Volontaires à Mayotte, censée offrir une “première expérience internationale” à la jeunesse, s’ajoute à un mécanisme déjà existant : pousser les Mahorais à partir, plutôt que créer les conditions de leur épanouissement sur place. Au lieu d’investir dans une vraie université, un CHU, des filières de formation structurées et des emplois qualifiés sur le territoire, on investit dans l’accompagnement du départ. Le message implicite est clair : si tu veux réussir, prends l’avion.
Derrière cela, il y a une logique que personne n’ose assumer publiquement. Pourquoi développer Mayotte quand le Mahorais peut s’exiler ailleurs ? Pourquoi chercher à le maintenir chez lui quand on peut l’envoyer directement dans l’Hexagone pour combler les besoins de main-d’œuvre dans les secteurs en tension ? Ce schéma n’est pas propre à Mayotte : certains pays occidentaux utilisent déjà cette stratégie, en attirant les migrants pour les mettre là où il manque du monde – hôpitaux, logistique, restauration, ménage, BTP. La différence, c’est qu’ici, on parle de citoyens français qu’on organise à déraciner de leur propre territoire.
Pour le Mahorais, c’est un piège : on lui fait croire que la “chance”, c’est de partir, pendant qu’on abandonne l’idée même de construire un avenir digne à Mayotte. On ne renforce pas Mayotte, on renforce la Métropole en siphonnant sa jeunesse. Et pendant ce temps-là, un autre phénomène se développe : le Mahorais s’en va, mais le Comorien, lui, continue d’arriver. On vide d’un côté, on remplit de l’autre. Le territoire se retrouve pris dans un cercle vicieux où la population mahoraise historique s’affaiblit démographiquement et politiquement, pendant que l’État explique que tout cela relève de la “réalité migratoire” et du “vivre-ensemble”.
Au final, ces partenariats ne sont pas de simples outils techniques de coopération régionale : ils sont un maillon de plus dans une politique qui refuse de donner au Mahorais les moyens de réussir chez lui, tout en acceptant que son territoire se transforme sans lui. Mayotte n’a pas besoin d’être vidée de ses enfants, elle a besoin qu’on lui donne les infrastructures, les institutions et les moyens à la hauteur de ce qu’on doit à un département français. Tant qu’on privilégiera l’exode à la construction locale, la “mobilité” ne sera pas une chance : ce sera l’habillage élégant d’une stratégie de dépeuplement silencieux.